II
A Monsieur Henri Gauthier-Villars.
Vous êtes ô Parfums,
D'une ivresse plus délectable et plus choisie
Que la caresse aux yeux, où leur splendeur s'imprègne,
Des chappes raidissant leur moire cramoisie
Et portant, d'or fané, l'agneau blessé qui saigne;
Plus naïfs et plus doux que n'est au crépuscule,
Sous des pins bleuissants embaumant la résine
Où quelque lueur d'astre en frissonnant circule,
Un champêtre duo de flûte et de clarine;
Plus somptueux et lents que le cours de l'Erèbe
Fluant son onde lourde aux plages léthargiques;
Qu'en l'honneur d'un héros, une marche funèbre
Déroulant pesamment son rythme pathétique.
Vous remplissez les cœurs d'un plus triste vertige,
D'un effroi plus aigu que l'aboi spleenitique
Lointainement d'un loup dans la nuit qui s'afflige,
Endeuillant les crénaux des donjons romantiques.
Plus que le son des cors aux ténébreuses fresques
Des forêts déchaînant le hurlement des meutes,
Parfums, vous provoquez, des désirs titanesques,
Dans l'ombre de nos cœurs les rougeâtres émeutes.
Vous êtes, ô parfums, plus comblés d'inertie
Que les violets sourds qui tombent des verrières,
Distributeurs savants de cette ataraxie
Qu'implorent nos douleurs dont le cri s'exaspère;
Plus résignés qu'ils sont en leur torpeur hindoue,
Où tout geste s'est tu, où nul désir ne râle,
Les tons silencieux dont la houle se joue,
Mer extatique, au dallage des cathédrales.
Endormeuse harmonie errante dans l'espace
Et qui bercez d'oubli nos âmes faméliques,
Vous surpassez la paix qui descend des rosaces
Quand s'unit l'orangé aux bleus mélancoliques.
Perçant l'opacité morne où nos sens résident,
Vous êtes, défiant le plus subtil orchestre,
De l'immense inconnu le langage fluide,
La voix de l'au-delà dans sa forme terrestre.
II
To Monsieur Henri Gauthier-Villars
O perfumes, you provide
A rush that’s more delectable, more choicely bred
Than eyes caressed, where their pervading splendour feeds,
Copes where slowly stiffens their shot silk’s crimson-red
That bear in faded gold the wounded lamb that bleeds;
More naive and gentle than when dusk’s almost gone,
Beneath the bluing pines which scent the resin’s sweat,
Where a starlight gleam quivers as it journeys on,
A cowbell and a flute in open-air duet;
More sumptuous and thick than Erebus’s flow
Of sluggish waves that with lethargic shores would meet;
Than, in a hero’s honour, a death march played slow
That ponderously rolls out its pathetic beat.
You fill the human heart with sadder dizziness.
With keener dread than spleen-filled howling in night air
By some lone far-off wolf that in profound distress
Fills ramparts of romantic keeps with deep despair.
More than the sounding horn in frescoes dark and dire
Of forests unleashing the baying of the hounds,
Do you, perfumes, provoke vast surges of desire,
As well as reddish riots in our hearts’ own bounds.
O perfumes, to inertia you are more inclined
Than silent violets that fall from canopies,
Are wise dispensers of serenity of mind
Which our pains seek to gain through cries of misery;
They are yet more resigned, in Hindu torpor held,
Where every gesture’s mute, where no desire makes moan,
The notes without a sound whose swell cannot be quelled,
A sea of ecstasy, on churches’ floors of stone.
Beguiling harmony that drifts in space and seems
To lull with sweet oblivion our famished souls,
You quite surpass the peace that from rose windows streams
When orange blends with melancholy blues in shoals.
Piercing the dull opacity where senses dwell,
Defying the most subtle orchestra, you are
The fluid language of the vast unknown’s ground swell,
In earthly form the voice that’s coming from afar.