Tuesday 8 October 2024

Marie Dauguet: 'Au labour' (1901)


  

Au labour

 

A Monsieur Edouard Rod.

 

La terre luit, comme le ventre clair d’un grèbe,

Étalant au bord des forêts son flanc joyeux.

Et voici, retournant patiemment la glèbe,

Le couple angéliquement doux de mes grands bœufs.

 

Les voici cadencés, majestueux et graves,

S'avançant balancés d’un rythme harmonieux;

Le pied prudent, le front haut sous le joug, la bave

Défilant lentement des mufles spongieux.

 

Couple pensif et fort qui sait comme on emblave

Et comment on laboure et connait le chemin

Par où l’on va chercher le maïs et les raves;

Qui ne tolère pas le bâton ni le frein.

 

Couple qui sait tracer seul d'impeccables lignes;

Épris d'ordre serein, enseignant, rituel,

Comme on souffre la vie et comme on se résigne

Au labeur incessant sous l'impassible ciel.

 

Les voici, attentifs à la moindre parole,

Grivelot et Pommé, car on mène les bœufs 

- Et cette mélopée au fond du soir s'envole -

Sans rudesse, en causant tête à tête avec eux.

 

Et souvent je les joins l’automne à la charrue,

Leur parlant à leur gré un langage choisi,

Caressant de la main leur figure velue,

Leur front calme, leur flanc que le couchant roussit.

 

***

 

O cœur, ô cœur le mien, plein d’inquiéte écume,

Bondissant et toujours vide et torrentueux,

Regarde ces bœufs doux et la glèbe qui fume

Comme un paisible autel, sois paisible comme eux.

 

Sois le cœur ingénu de ces grands bœufs, tes frères,

Qu’aucune vérité n'altère ou ne corrompt;

Sois le cœur infini et profond de la terre,

Mirant un peu de ciel au dos bleu des sillons.

 

Septembre 1901




Ploughing

 

To Monsieur Edouard Rod

 

The soil gleams like the vivid belly of a grebe,

Spreading its joyous flank out to where woods extend,

And here, turning with endless patience the soft glebe,

My two angelic gentle oxen onward wend.

 

Here too, with perfect cadence, majesty and grit,

They toil on, balanced by a rhythm sure but slow,

With prudent steps, heads high beneath their yoke, their spit

Now drooling from their spongy muzzles as they go.

 

A strong and pensive team which knows how seed is sown

And how the soil is tilled, familiar with the way

One takes to seek the maize and turnips when full-grown,

Which does not tolerate the stick or brake in play.

 

A team that on its own can trace such perfect lines;

In love with calm, instructive rites that must apply,

Which tell how one puts up with life, how one resigns

To toiling endlessly beneath an impassive sky.

 

Here too, attentive to the slightest single word,

Grivelot and Pommé, for oxen must be led

– And this soft evening murmuring is hardly heard –

Without a trace of harshness, and with sweet words said.

 

In autumn I will often hitch them to the plough,

Speaking a chosen language that would seem to please,

Caressing their shaggy features and their tranquil brow,

Their flank the setting sun turns reddish by degrees.

 

***

 

Oh heart, oh heart of mine, so full of restive foam,

Of bounding leaps, sheer emptiness, torrential spate,

Consider these calm oxen and the steaming loam

As if a peaceful altar you might emulate.

 

Be these great oxen’s placid naive heart from birth,

These brothers that no truth can change nor falsify;

Be the profound, eternal heart of all the earth,

Mirroring on blue furrows’ ridges scraps of sky.

 

September 1901

 

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