Quand frissonnent sur l’eau...
Oh! si cette trop solide chair
pouvait se liquéfier
et se fondre en rosée.
Hamlet.
Quand frissonnent sur l’eau des ombres bleuissantes,
Que des vols incertains taisent leur dernier cri
Parmi les joncs, lorsque le soir endolori,
Semeur à l’horizon de roses pâlissantes,
Nous rend plus chère encor la douceur de pleurer,
Je viens mêler mon âme, O Nature que j’aime,
A ton âme et chercher le refuge extrême
Dans ton oubli profond qui ne peut nous leurrer.
Je sens ma lassitude alors qui tourne et plane,
Au-delà du présent, étrangère au passé,
Et berçant hors du temps son effort harassé,
Comme un oiseau de nuit à l’aile diaphane.
Mon songe est de ne plus ni penser, ni sentir,
Mais, sur l’inconscient au grand cœur magnanime,
De tournoyer ainsi qu’aux bouches d’un abîme,
Avec la volonté de m’y anéantir.
Vivre épars à travers ce qui fleurit ou vibre,
Dispensé de vouloir, dispensé de choisir,
Fondu parmi le flux de l’éternel désir,
Evadé de moi-même, insaisissable et libre.
Voici le crépuscule avec ses doigts muets
Qui modèle et pétrit le cortège des rêves
Et sème sous leurs pas à l’ourlet de ses grèves,
Les roses, les lilas et les pâles bleuets.
Fais neiger des bleuets au seuil de ton portique,
O soir, sur tes degrés, les cheveux épandus,
Je viens, sans évoquer des paradis perdus,
Encenser le présent de mon dernier cantique.
Novembre 1899.
When on the water’s surface...
O, that this all too solid flesh would melt
Thaw and resolve itself into a dew!
Hamlet
When on the water’s surface bluing shadows shake,
And unsure birds give one last cry and then are still
Among the rushes, when the evening, pained and chill –
Sowing pale roses where the sky’s rim starts to quake –
Makes our sweet ache of weeping yet more dear,
I come, oh Nature that I love, to mix my soul
With yours and seek a drastic refuge as my goal
In your oblivion, so deep and so sincere.
It’s then I sense my lassitude that turns and soars,
Beyond the present, now a stranger to the past
And lulling outside time its effort’s wearied gasp,
Is like some night-time bird with wing of limpid gauze.
I dream in thought or feeling I no more will drown,
But on the unconscious, with its heart’s unstinting bliss,
Will gyrate thus as at the edge of an abyss
And will obliterate myself by plunging down.
Will live, strewn over all that quivers or that thrives,
Exempt from wishing and from choice’s endless gyre,
Absorbed into the flux of infinite desire,
Freed of my own fetters, elusive and alive.
And here with silent fingers dusk returns once more,
Which fashions and which models my cortege of dreams
And sows beneath their steps, at its far shores’ thin seams,
Roses and lilacs and pale cornflowers by the score.
Cause sunflowers to snow down outside your portico,
O evening, on your steps, with every hair untwined,
I seek, though calling no lost paradise to mind,
To laud the present with my final canticle.
November 1899
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