REVUE LITTÉRAIRE de Paris et de Campagne
Juillet 1906, pp. 228-231
Marie Dauguet
Parthénon, Cathédrale? Le premier satisfait voluptueusement ma raison, la seconde enchante logiquement mon imagination. Je dis bien logiquement, ‘le cœur ayant des raisons que la raison connaît pas’.
Parthénon, discours magnifique dont toutes les parties se tiennent et découlent les unes des autres, théorème lumineusement démontré. Cathédrale, ode symphonique aux multiples voix, chœurs alternés, explosions d’extatiques accents, splendeur harmonique qui n’a jamais été dépassée.
Parthénon et Cathédrale, mais je goûte, mais j’endure tous les deux.
Les sonnets de J.-M. de Hérédia me pénètrent d’une belle joie ensoleillée.
Les romances sans paroles du pauvre Lelian, dorlotent si suavement les heures mélancoliques dans leur musicale pénombre.
Et il y a des vers libres qui sont distributeurs d’ivresse: cri du faune qui mord à la grappe, flageolement de vertes flûtes ou beaux fabliaux ensorcelés qui évoquent la silhouette des princesses gemmées aux créneaux des tours, des fantomatiques fileuses près des astres où danse une flamme anxieuse.
Et peut-être à cause de son don d’étourdissement, d’enluminement, qui confine aux sensations que procure la musique, est-ce lui – le vers libre – que e préfère? Je me figure que les symphonies de Beethoven sont écrites en vers libres…
C’est en vers libres qu’on aime, qu’on balbutie son amour; qu’on pleure et qu’on crie sa douleur.
Il est l’expression immédiate de la nature et d’instinct.
Mais le beau vers mesuré, cadencé, parfaitement eurythmique que des génies successivement ont créé, que nous devons au doux et pompeux Ronsard, à Racine, à Hugo, aux parnassiens aussi – à ceux qui comptent – ce beau vers qui est le comble de l’art et sa suprême expression, pour ce qui est de la parole et par conséquent de l’émotion et de la pensée extériorisées par le son, ce beau vers là me touche infiniment, justement par son supernaturalisme, par son excessif raffinement et ce qu’il comporte d’artificiel – j’entends le mot dans son vieux sens – de création en un mot purement humaine. Je l’apprécie donc et je l’honore à toute sa valeur.
En résumé, en poésie comme pour le reste, tout m’est plaisant qui est pour moi une source de plaisirs, de larmes, ou de curiosité, et mon très large éclecticisme me rend les choix difficiles et les distinctions trop absolues, presque impossibles.
REVUE LITTÉRAIRE
de Paris et de Campagne
July 1906, pp. 228-231
Marie Dauguet
Parthenon, Cathedral? The first voluptuously satisfies my reason, the second logically enchants my imagination. I use the word logically ‘the heart having reasons that reason does not know’.
Parthenon: a magnificent discourse where all the sections hold onto and stem from each other, a theorem luminously demonstrated. Cathedral: a symphonic ode for multiple voices, alternating choirs, explosions of ecstatic accents, harmonic splendour that has never been surpassed.
Parthenon and Cathedral, but I savour, but I endure both of them.
The sonnets of J.-M. de Hérédia penetrate me with a fine sun-lit joy.
The songs without words of pauvre Lelian coddle so suavely the melancholy hours in their musical half-light.
And there are vers libres that are distributors of intoxication: a cry of the faun that bites at the cluster of grapes, a quivering of green flutes or beautiful bewitched fables which evoke the silhouette of princesses concealed in the niches of towers, of phantom-like spinsters close to starts where an anxious flame is dancing.
And perhaps, because of its gift of giddiness, of enlightenment which restricts one to the sensations procured by music, is it perhaps this form – vers libre – that I prefer? I envisage to myself that Beethoven’s symphonies were written in vers libres…
It is in vers libres that one loves, that one murmurs one’s love, that one weeps and cries out one’s pain.
It is the immediate expression of nature and of instinct.
But beautiful verse, measured, cadenced, perfectly eurhythmic which geniuses have created in succession, which we are indebted to the sweet and pompous Ronsard, to Racine, to Hugo, to the Parnassians as well - to those who count – this beautiful verse which is the apogee of art and its supreme expression, for that which is of words and thus of emotion and of thought exteriorised by sound – this beautiful verse touches me infinitely, precisely because of its supernaturalism, its excessive refinement and that which it contains of the artificial – I am using the word in its old sense – of creation in a word purely human. I thus appreciate it and I honour it for all its worth.
To sum up, in poetry as in everything else, everything pleases me which is to me a source of pleasures, of tears, or of curiosity, and my considerable eclecticism makes choices difficult and distinctions too absolute, almost impossible.
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