Wednesday 22 September 2021

Marie Dauguet: 'Le roncier' from 'Essor Victorieux' (1911)

 

Le Roncier

 

Parmi les ronciers noirs dont l’eau s’égoutte encor,

Tu abrites. Le soir brûle un peu sous les branches,

Un peu de sang remue, avec à peine d’or,

Dans l’ornière et le long de vos rugueuses hanches,

Ormes, frênes, sapins, dont les cris ont cessé,

Dont le dernier soupir à l’écho sourd échoue,

Et tandis que les bras mollement se dénouent

Du vent. – Tout se repose, exquisément lassé,

D’avoir vibré, joui jusques au paroxysme,

– Les cieux, les bois, les eaux – jusqu’au spasme épuisant,

Où le cœur se révulse, avec cet héroïsme

Qui plutôt qu’au repos sans ivresse, consent

A la mort. – Les choses l’une à l’autre se disent

Qu’après l’étreinte folle où tout cède et se brise,

Les transports inouïs qui vous ont dévasté,

L’écroulement sur soi de tant de volupté,

Absous de tout regret, on les peut redescendre,

Insensible néant, les escaliers de cendre.

Et je suis là, songeant, déchiffrant ce confus

Verbe qui de partout suinte et s’élabore:

Des tourbes dont le souffle embaumé se dédore,

Des hêtres entourant de nuit moite leurs fûts.

Autour de moi, toujours le roncier qui s’égoutte,

Toujours… Puis rien, du silence diffus.

Un hibou de velours, muettement, aux voûtes

Du ciel ennuagé, et d’où jaillit Vénus,

Tourne. J’écoute encor!... – Et mon cœur les délaisse

Cette fois à jamais les menteuses sagesses.

Ce soir il a saisi ce qui signifie sous

L’amoureux ouragan, dont pèse le genou, –

Dont le halètement superbement dérase,

Fraternelle forêt, ton éloquent extase:

Ce sourire de l’heure en cendre qui s’en va

Sereine, ayant tenté tout ce qu’elle rêva.

 

Car nous la découvrons en toi, la loi promise,

Nature, avec la voix, dicte notre Moïse.

 

Désormais plus d’éthique hypocrite; les dieux

Sont bien ‘d’or et d’argent ouvrage de mains d’hommes’

Sous nos gestes subtils, leur ruine les consomme;

Prométhée libéré, jusques au fond des cieux

Promène son flambeau. Respirant sur la cime

Hors des rites obscurs, de l’air plein les poumons,

Nous comprenons enfin, défiant tout pardon,

Que le plus odieux que le pire des crimes,

C’est humble, c’est tremblant, lâche comme un vaincu

De mourir à genoux et sans avoir vécu.

 

Paris Midi, 12 novembre 1911

 

 

The brambles

 

Beneath the inky brambles where water still drains

You shelter. Evening burns faintly beneath the branches,

Some blood still stirs, but scarcely any gold remains

Within the rut and all along your rugged haunches,

Elm trees, ashes, fir trees, of which the cries have ceased,

Whose final sigh with muted echo dies away,

While arms now sluggishly entwined would be released

From wind. – All rests, fatigued exquisitely, from play

That has pulsated, roused to frenzied paroxysm,

– The skies, the woods, the streams – exhaustingly all spent,

Until the heart revolts, and chooses heroism

Which rather than sobriety and rest, consents

To death. – Amongst each other, things begin to say

That after the mad clutch where all breaks and gives way,

Your self devastated from boundless ecstasy,

The self-collapse from so much sensuality,

Absence of regret, one could make them re-descend,

Insensate void, the cinder stairs that downwards wend.

And I’m there, musing, decoding this scrambled Word

Which oozes everywhere and spreads out to the hilt:

The turfs of peat whose perfumed breath removes its gilt

The beech-trees boles that round the moist night form a herd.

And round me always are the brambles that still drain,

Always… Then nothing, silence heard quite hazily.

A velvet owl, in vaulted skies blurred by a skein

Of cloud, and from which Venus spurts forth, lazily

Gyrates. I listen still!...– My heart now takes its leave,

This time for evermore, of wisdom’s lies that grieve.

This evening it has seized what means most in the end

During this hurricane of love which makes knees bend, –

Whose violent panting levels out, quite splendidly,

Fraternal forest, your persuasive ecstasy:

This smile of the hour in ashes that leaves serene,

Once it has tempted everything it ever dreamed.

 

For this is what we’ll find in you, the promised law,

Nature, by the voice, our Moses dictates for sure.

 

Henceforth no more deceitful ethics, the gods, I

Admit are ‘silver and gold, the work of men’s hands’*

Our subtle gestures ruin them, they can’t withstand;

Prometheus set free, to the depths of the sky,

Displays his blazing torch. Breathing on high in bliss,

Beyond obscure rites’ reach, our lungs now full of air,

We finally will grasp – though pardoning forswear –

That the most odious, the worst of crimes is this:

Like someone vanquished cringingly concede defeat,

Die on our knees not having lived on our two feet.

 


Paris Midi, 12 November 1911


 

*The quotation is from Psalm 115, v.4

No comments: